Comment a été déterminé l'âge de notre bonne vieille Terre ?
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Il est bon de temps en temps de revenir aux fondamentaux, à savoir quel est l’âge du sol que nous foulons tous les jours. En effet, cette Terre si magnifique et si variée devant laquelle nous ne cessons d’être en admiration n’a pas toujours existé.
Depuis toujours, l’Homme a voulu connaître depuis quand existait le sol qu’il arpente du matin au soir. Vers le Vème siècle avant notre ère, les premiers philosophes grecs avaient l’idée que le monde – Terre incluse – n’avait pas été créé ex nihilo[1]. Du début de notre ère jusqu’au XVIIIème siècle, période théologique s’inspirant du récit biblique de la Genèse, la Terre n’existait que depuis quelques milliers d’années seulement.
Du début du XVIIIème siècle à la fin du XIXème, cette période naturaliste mit en cause ces très courtes échelles de temps, en n’ayant toutefois pu établir de chronologies que relatives. A la fin du XVIIIème siècle, période physique, l’âge de la Terre passa alors de dizaines de milliers à des centaines de millions d’années avec la physique classique, et enfin à des milliards d’années au début du XXème siècle, quand la physique nucléaire vit le jour.
Il y eut (tu t’en doutes bien, ami passionné) que de nombreuses théories et avis ont jailli dans le passé sur l’âge et la place dans l’Univers de la Terre. Mais, sur le long terme, les idées qui exercèrent l’influence la plus longue et la plus forte furent cependant celles d’Aristote.
Ci-
En décrivant un petit univers centré sur la Terre et borné par la sphère des étoiles fixes, ce dernier s’attacha à démontrer aussi bien philosophiquement que physiquement pourquoi le monde était nécessairement éternel. Si on supposait, par exemple, que le temps avait connu un début, on devait alors admettre une absence de temps auparavant, ce qui était absurde puisque la notion d’« auparavant » présupposait l’existence du temps. De même, un mouvement ne pouvait pas se produire spontanément : soit il existait de toute éternité, soit il résultait de l’action d’un autre mouvement qui était lui-
Ce fut au milieu du IIème siècle que la question du type de création prit une grande importance dans le cadre de polémiques avec les sectes gnostiques[2]. Celles-
Et oui, on s’en posait des questions à l’époque !
Mais rapidement, la formation du monde soulevée par les gnostiques fut transformée en un problème théologique : la Création du monde ex nihilo souligna l’unité, la puissance absolue et la liberté absolue de Dieu en évoquant le mystère insondable d’une œuvre dont seule l’origine divine ne faisait aucun doute. Cette thèse d’une Création ex nihilo se diffusa chez les chrétiens en devenant même un de leurs principaux articles de foi.
L’idée se fit donc jour que l’histoire humaine se confondait avec celle du monde depuis le tout premier moment de la Création. Or cet instant pouvait être daté précisément. Théophile l’illustra quand il affirma que 5 695 ans s’étaient déjà écoulés à la mort de l’empereur Aurelius Verus (en l’an 169). La méthode consistait en un décompte minutieux des années quand on suivait, génération après génération, la descendance d’Adam et Ève que décrivait le Pentateuque[3] et les événements historiques rapportés par l’Ancien Testament. Ceci s’enracina profondément chez les chrétiens en raison de l’autorité incontestée des Écritures.
L’histoire n’était plus désormais celle du seul peuple juif. Elle était devenue universelle. Par définition, l’annus mundi, l’année de la Création, était le point de départ de “l’èremondiale”. Pour résoudre les incertitudes qui entachaient sa détermination, il apparut qu’une meilleure précision pouvait être obtenue sur la base de considérations astronomiques.
Pour les chrétiens, l’histoire prenait un nouveau sens de suite ordonnée, et non plus de séquence quasiment aléatoire d’événements. C’est l’évêque Eusèbe de Césarée (~265-
Que l’histoire de la Terre devait s’inscrire dans ce même cadre chronologique fut illustré par Eusèbe quand ce dernier attribua au Déluge la présence des diverses sortes de poissons trouvés au sommet du mont Liban[4]. En reliant un vestige de l’histoire de la Terre à un épisode bien défini de l’histoire humaine, et donc en même temps du monde, Eusèbe fut ainsi l’auteur de la toute première datation géologique « absolue ».
Mais un problème épineux apparut quand, comme le fit saint Augustin (354-
Mais la lassitude avait fini par gagner les esprits devant l’inanité des efforts déployés pour établir un âge indiscutable. Dans sa Chronologie de l’histoire sainte, Alphonse des Vignoles (1649-
En parallèle, les fossiles étaient peu à peu revenus sur le devant de la scène. Malgré le scepticisme de certains, de solides arguments étaient en faveur d’une origine organique des fossiles comme le démontra rigoureusement l’anatomiste danois au service du duc de Toscane, Nicolas Sténon (1638-
La découverte d’innombrables volcans éteints dans la deuxième moitié du XVIIIème siècle, puis ensuite celle d’anciennes glaciations, illustrèrent également que la surface de la Terre avait grandement varié au cours des siècles. Or de tels changements étaient imperceptibles à l’échelle des civilisations humaines. On dut peu à peu en conclure que les échelles de temps mosaïques étaient bien trop courtes.
D’un autre intérêt fut alors une autre découverte, celle que certains fossiles appartenaient à des espèces dont aucun individu vivant n’avait jamais été vu ; c’était en particulier le cas de grands mammifères qui, tel le mastodonte[5], n’auraient certainement pas échappé à l’observation. Ces espèces étaient donc éteintes, en ayant vécu à des périodes bien définies de l’histoire de la Terre. En retour, il devint possible d’employer celles de ces espèces qui avaient connu de vastes distributions géographiques pour établir une chronologie relative : d’un bout à l’autre de la Terre, des corrélations furent dans ce but effectuées entre strates au sein desquelles se trouvaient les mêmes fossiles caractéristiques. Sans s’en rendre compte, les géologues qui s’attachèrent à cet exercice empruntèrent en tout point la démarche suivie par Eusèbe quinze siècles plus tôt pour son histoire universelle. Elle n’est pas mal, celle-
Si les ères géologiques et leurs diverses subdivisions purent ainsi être définies à partir du début du XIXème siècle, rien ne pouvait cependant être dit sur leurs durées respectives. La question devint spécialement épineuse quand la théorie de l’évolution fut simultanément présentée à Londres par Charles Darwin (1809-
Puis Georges Louis Leclerc, comte de Buffon (1707-
Kelvin s’appuya sur les deux principes de la thermodynamique[6] entre-
Pour leur part, les géologues avaient eu tendance à évoquer des temps beaucoup plus longs. Le débat ainsi lancé fut d’autant plus vif que Kelvin ne cessa de reprendre ses calculs pour annoncer des durées de plus en plus courtes, qu’il limita à 24 millions seulement en 1893 à partir de paramètres thermiques qu’il pensait plus précis. Sa position fut cependant vite rendue intenable à la suite de la découverte de la radioactivité en 1896 par Henri Becquerel (1852-
La première datation géologique suivit rapidement. En 1905, elle fut l’œuvre du physicien anglais Ernest Rutherford (1871-
À Londres, Arthur Holmes (1890-
Ci-
Il apparut qu’il existe deux isotopes radioactifs d’uranium, de masses 235 et 238, dont les chaînes radioactives se terminent respectivement par des plombs de masses 207 et 206. Avec leurs demi-
Pour pouvoir appliquer la méthode, il a fallu une vingtaine d’années de progrès analytiques et instrumentaux en plus.
Pour déterminer l’âge de la Terre, il restait encore à résoudre une gageure, à savoir trouver des échantillons dont le plomb était représentatif de celui de la Terre entière. Patterson eut l’idée de supposer que les météorites s’étaient formées en même temps que la Terre. Il obtint ainsi, après études de différents éléments, une belle droite dont la pente indiqua un âge de la Terre de 4,55 ± 0,07 milliards d’années.
Une controverse vieille de deux mille cinq cents ans avait été close, non pas par combinaison d’outils inadéquats ou moyennes de mesures discordantes, mais par la création de méthodes complètement nouvelles : difficultés analytiques mises à part, un problème dont la complexité avait défié l’entendement des plus éminents esprits à travers les âges avait été réduit à un exercice d’algèbre pour élève de collège. C’est pas mal, ça, hein, ami astronome ?
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[1] ex nihilo = à partir de rien
[2] Employé comme adjectif : en religion, relatif aux doctrines d’un ensemble de sectes religieuses pendant les premiers siècles de notre ère, à la connaissance ésotérique parfaite et initiatique contenant toutes les connaissances sacrées
Employé comme nom : adepte d’une de ces sectes, fondateur d’une doctrine secrète de salut.
Le sentiment fondamental du gnostique consiste à se sentir « étranger » au monde. Il éprouve sa situation d’être-
[3] Les cinq premiers livres de la Bible forment un ensemble appelé Pentateuque ou Torah. On y retrouve les livres de la Genèse, de l’Exode, du Lévitique, des Nombres et du Deutéronome. Il s’agit du cœur de la foi juive. Les chrétiens y trouvent aussi le cœur de leur foi, mais avec le Nouveau Testament, écrit après la mort du Christ.
[4] Le mont Liban est une chaîne de montagnes du Liban et, pour une petite partie, de Syrie ; elle domine la mer Méditerranée située à l’ouest, et culmine, à son plus haut sommet, à 3 088 mètres d’altitude. Il s’agit du plus haut relief montagneux du Proche-
[5] Le mastodonte est un mammifère fossile proche de l’éléphant.
[6] La thermodynamique correspond à une branche de la physique qui étudie le comportement thermique des corps, plus exactement les mouvements de chaleur. D’une façon plus générale, la thermodynamique s’intéresse à l’étude de l’énergie (en particulier l’énergie interne) et de ses transformations.
[7] L’entropie est la dernière et la plus mystérieuse des cinq grandeurs physiques (température, pression, volume, énergie interne, entropie) définissant l’état d’un système thermodynamique, c’est-
[8] Qui contient de l’uranium
[9] Le Carbonifère est une période géologique qui s’étend de −358,9 ± 0,4 à −298,9 ± 0,2 millions d’années
[10] Le Dévonien est une période géologique s’étendant d’environ −419 à −359 millions d’années. Il est précédé par le Silurien et suivi par le Carbonifère. Cette période de l’ère primaire est caractérisée par l’apparition des premiers vertébrés.
[11] Le Silurien, parfois anciennement nommé Gothlandien, est un système géologique qui s’étend de −443,4 à −419,2 millions d’années
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Livre d'Or
Le présent article n’a pas pour objectif d’indiquer l’âge de notre bonne vieille Terre que l'on connaît, mais de décrire très succinctement l’Histoire des hommes, des courants de pensée, des religions, de la science qui ont tous essayé de dater le début de notre planète.
Que la Terre et même l’Univers aient un âge est de nos jours, selon les scientifiques, une évidence. Le fait que ces âges se comptent par milliards d’années est lui-
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