L'ISS, laboratoire international en orbite, a été occupé pour la première fois le 2 novembre 2000. Depuis, 220 astronautes de 17 pays, dont la France, se sont relayés en continu pour mener plus de 1700 expériences.
Depuis l'an 2000, des scientifiques passent près de 16 fois par jour dans le ciel à 28 000 km/h. Leur véhicule n'a pourtant rien d'un bolide: la Station spatiale internationale (ou ISS), 450 tonnes, orbite autour de la Terre à 410 km d'altitude et a accueilli 45 missions habitées. Ce laboratoire géant unique, qui prépare les missions habitées sur Mars et étudie la microgravité et ses retombées sur Terre, célèbre quinze ans de présence humaine en continu dans son habitacle : 220 astronautes de 17 pays à bord.
Voici l'expédition 45, celle qui est actuellement à bord de la Station où un équipage de six astronautes se relie tous les six mois. Avec un Japonais, deux Russes et trois Américains, l'équipage est représentatif de la coopération internationale qui prévaut depuis la conception de l'ISS: l'Espace reste l'un des rares terrains d'entente américano-russe. "Ici, tout le monde est important et le succès de ce programme et parfois même la survie de tous dépend de ce que chacun de nous fait", a expliqué le cosmonaute russe Oleg Kononenko (au centre, en haut) en novembre 2000
Que de chemin parcouru depuis ce 2
et l'expédition 1, où ces trois tout premiers occupants de
l'ISS -alors formée de seulement deux modules- étaient
l'Américain Bill Shepherd et les Russes Sergei Krikalev
and Yuri Gidzenko. En 15 ans, plus de 220 astronautes
de plusieurs nationalités parmi lesquelles des Français,
des Italiens et des Allemands (et 141 rien que pour la
Nasa), ont effectué des séjours dans l'avant-poste
Orbital.
Ceci est la toute première image de la Terre envoyée depuis l'ISS, dont la conception remonte à 1983 et la volonté du président américain Ronald Reagan. Dix ans plus tard, la Russie participera au projet. Il illustre l'intérêt des pays développés pour la recherche spatiale, avec un coût global chiffré à 100 milliards de dollars, en grande partie financé par les Etats-Unis.
Aujourd'hui, la Station offre un espace habitable entre les différents modules -américain, russe, européen et japonais- équivalent à celui d'un Boeing 747, soit une habitation de six chambres. Mais il a fallu un peu plus de 10 ans, de 1998 à 2009, pour assembler l'essentiel de ces modules afin d'arriver à sa forme actuelle.
Un jeu de Lego spatial qui aura nécessité 174 sorties dans l'Espacedes astronautes pour finaliser les assemblages mais aussi pour ajouter des outils ou de nouvelles fonctionnalités. Comme ici, en 2012, une intervention de plus de six heures réalisée par l'expédition 32 pour réparer un appareil. Au total, les équipages de l'ISS ont passé plus de 1000 heures à travailler à l'extérieur de la Station.
Pour sa construction, les modules préparés sur Terre ont demandé 115 tirs de fusées -principalement américaines et russes- mais aussi l'emploi des navettes spatiales, un programme depuis abandonné par les Etats-Unis, en 2011. Ont ainsi participé à ces missions les navettes Discovery, Atlantis, ou encore Endeavour, ici photographiée en 2011 lors d'un transfert de matériaux à la Station.
Un travail certes titanesque mais un résultat jamais vu pour une station spatiale, d'une taille approximative d'un terrain de football (109 mètres par 71 sur 51). La voici photographiée en 2011 dans sa forme caractéristique et ses longs panneaux solaires plats, avec la navette Endeavour arrimée (en haut). L'image a été prise depuis un vaisseau russe Soyouz, ramenant sur Terre trois occupants pour la modique somme de 70 millions de dollars le siège.
Le rôle premier de cet avant-poste orbital est la science. 1700 expériences scientifiques inédites y ont déjà été réalisées. "L'ISS est un laboratoire unique de recherches innovantes dans les sciences physiques et de la vie offrant un banc d'essai pour des technologies qui permettront à la Nasa d'envoyer de nouveau des astronautes au-delà de l'orbite terrestre", a ainsi expliqué John Holdren, conseiller scientifique de la Maison-Blanche.
Comme par exemple ces tests de combustion sans gravité, visant à améliorer les moteurs spatiaux ou encore agir sur la pollution terrestre. D'autres expériences diverses ont permis d'améliorer les techniques de filtration de l'eau, de synthèse des médicaments, d'échographie, de mieux comprendre l'ostéoporose ou encore de découvrir de nouvelles pistes pour le développement des vaccins.
L'objectif est aussi de préparer l'avenir et toutes les questions que posent un éventuel voyage habité vers Mars. Cet été, des astronautes ont goûté pour la première fois des feuilles d'une salade qui a poussé dans l'Espace, marquant une avancée du jardinage en microgravité. Compliquée par l'apesanteur où l'eau flotte, la culture de cette laitue romaine rouge a duré 33 jours, grâce à un système d'irrigation dans une boîte au terreau humide, sans arrosage. Le cadre de l'ISS est idéal, d'autre part, pour étudier les aspects psychologiques d'un isolement longue durée dans un espace réduit.
La Station permet également de magnifiques photos de notre habitat, servant à la fois d'outil de communication pour les agences spatiales, mais aussi de vecteurs de prise de conscience de l'intérêt de préserver notre planète.
Ces clichés sont notamment rendus possibles par l'installation, en 2010, du module Cupola (ici en photo) aux sept fenêtres blindées panoramiques, les plus grandes jamais utilisées dans l'Espace.
Vivre dans la Station spatiale internationale sans gravité met en évidence les défis qui attendent les agences spatiales dans l'optique d'un voyage au-delà de l'orbite terrestre. La physiologie humaine s'adapte à la microgravité avec des effets néfastes sur les muscles, les os, le système immunitaire: les astronautes ont ainsi un visage gonflé et rougi en raison des modifications sur leur pression artérielle, comme l'explique l'infographie ci-dessous. Ils ont par ailleurs un risque accru de cancer dans le cas d'une exposition aux radiations cosmiques pendant une longue période.
Dans les compartiments pressurisés habitables, un genre de désordre organisé règne: chaque appareil ou outil doit obligatoirement être attaché aux parois sous peine de flotter et risquer d'être endommagé voire de blesser les astronautes.
Quel avenir pour l'ISS ?
Depuis 2011 et la refonte du programme spatial américain, la Nasa compte désormais sur le secteur privé américain avec les sociétés SpaceX et Boeing pour acheminer des astronautes jusqu'à la Station. Ces capsules lancées par fusées servent déjà, en l'état, à ravitailler l'ISS en s'y arrimant.
Une privatisation en parallèle de l'essor du tourisme spatial: avant les tentatives de Virgin, en 2001 le millionnaire américain Dennis Tito est devenu le premier civil payant lui-même son séjour de huit jours dans l'ISS, pour un montant de 20 millions de dollars.
La durée d'utilisation de l'ISS a été prolongée l'an dernier jusqu'à au moins 2024. La question qui se pose régulièrement est celle du retour sur le lourd investissement financier. La réponse sera-t-elle différente dans 10 ans ?